L'INCONNU DU TRAMWAY : KALIFA
Interview retranscrite de l’excellent blog « l’inconnu du tramway »
Bonsoir à tous,
Ce matin je suis parti de chez moi super motivé ! J’ai abordé 5 personnes mais ça n’a pas fonctionné… J’ai donc espéré que cela fonctionne sur le chemin du retour et c’est, comme hier, dans le tramway que j’ai abordé mon inconnu du jour qui a accepté.
Je vous présente Kalifa, 32 ans.
Dans la vie Kalifa m’annonce exercer la profession de désamianteur et je lui réponds :
» Tiens, la semaine dernière j’ai aussi interviewé quelqu’un qui exerce le même métier que toi.
– Romain ?
– Oui, comment le sais-tu ?
– En fait, il nous en a parlé et certains sont allés voir son portrait alors quand tu m’as dit que tu parlais aux gens dans le tramway je me suis douté que ça devait être la même personne qui lui avait parlé. » (rires)
Je lui demande donc de me parler de son métier ?
« J’aime ce que je fais, c’est assez récent pour moi, cela ne fait que 9 mois que je suis en poste. Pourquoi j’aime ce métier ? Parce qu’au-delà des risques (on travaille au contact de l’amiante tous les jours) et bien c’est un job très polyvalent : on prépare la zone de confinement, on ponce le sol, on peut travailler dans les toitures, etc. Tous les jours c’est différent : on ne s’ennuie jamais.
Ce que je faisais avant d’être désamianteur ? J’étais veilleur de nuit dans un lycée, et je n’ai pas pu être embauché donc j’ai cherché autre chose. Et puis un ami, lui aussi désamianteur mais dans une autre ville, m’a parlé de ce métier et je suis allé voir un patron. Je lui ai dit que j’étais motivé pour travailler dans ce domaine, il m’a fait confiance et m’a donc envoyé en formation. »
Quand il me dit ne pas avoir été embauché dans son précédent métier, je lui demande pourquoi ?
« En fait, pour avoir le poste il fallait avoir la nationalité française… Moi je n’ai qu’un titre de résident donc comme c’est la règle dans l’administration, et bien c’est comme ça. Je suis arrivé en France en 2006, je suis originaire de la Guinée Conakry. »
Je lui demande de m’apprendre un truc sur son métier ?
» Il y a tout une procédure pour mettre sa combinaison et surtout pour nous protéger de l’amiante. On doit scotcher toutes les extrémités de la combinaison : les manches, les pieds et même le masque, rien ne doit passer ! Malheureusement, si on fait mal notre job, on ne le saura que dans 30 ou 40 ans. On ne le sait pas tout de suite c’est ça l’amiante : c’est dangereux.
Une qualité ? La minutie pour notre sécurité, c’est primordial. »
Il aime les sorties avec ses amis, sa femme, ses enfants, écouter de la musique et le foot – il supporte le Réal de Madrid.
Il n’aime pas le porc, le racisme : » Ce qui me révolte ? Que l’on s’en prenne aux plus faibles. »
Es-tu heureux aujourd’hui ?
« Oui. »
Pourquoi es-tu heureux ?
J’ai la santé, un boulot stable qui me plait, une femme et 3 enfants. J’ai tout ce qu’il me faut pour être heureux. »
Une personne qui t’a marqué ou t’influence encore aujourd’hui ?
« Quelqu’un de ma famille qui m’avait dit que cela ne servait à rien de venir en France car c’était impossible de s’adapter. Pourquoi cette personne me disait ça ? Je ne sais pas trop, elle avait surtout des aprioris sur la France, sur le fait qu’ici c’était trop différent de la Guinée. Alors certes, il y a des différences, mais aussi bien en Guinée, qu’ici en France. » Mais regarde, je suis un bel exemple de réussite : j’ai réussi à m’adapter sans problème. » (rires)
Le mot de la fin ?
« Juste merci. Merci d’être venu t’intéresser à moi, c’est agréable. »